Série Notre Lente Évolution
2020
La pandémie provoque l’introspection sur le plan individuel. Elle déclenche aussi la remise en question de nombreuses façons de faire dans notre société.
Autant individuellement qu’au sein de nos institutions, comment peut-on lutter pour une meilleure santé mentale? Comment améliorer l’équité entre femmes et hommes? Comment mettre fin aux violences conjugales?
Chacune de ces peintures est d’abord couverte d’une écriture automatique. Ce sont des textes spontanés, écrits directement sur le support, et intimement liés à la symbolique de l’œuvre. Je les nomme Dialogues de fond. Cette pratique est essentielle à mon processus de création depuis 11 ans. Vous pouvez en lire quelques-uns ici-bas.
Dialogue de fond, écriture automatique
INTRODUCTION
Ces textes nécessaires à mon processus de création depuis 10 ans sont issus d’une écriture automatique. Spontanés, je les rédige sans aucun délai de réflexion pour favoriser le plus possible la connexion avec mon inconscient.
Vous lirez le mot fomme dans tous mes textes. J’ai inventé ce mot, contraction des mots femme et homme. Il remplace le mot homme pour désigner un individu de l’espèce humaine.
Étant une femme, je n’aurais pas pu rédiger le mot homme sans me sentir exclue. D’autre part, utiliser le mot personne m’aurait donné l’impression que je ne parlerais de personne. Il y manquait de chair. Et les mots être humain ne ciblent pas suffisamment la particularité d’un individu. J’utilise ce mot dans tous mes Dialogues de fond depuis 2010.
Dialogue de fond, écriture automatique sous l'œuvre
INTROSPECTION
– Parle-moi de nous qui sommes désarmés dans ce confinement. Parle-nous de ce que nous devons faire.
+ Une grande partie de la population mondiale vit une solidarité inégalée. Elle prend conscience du nous, de l’impermanence des choses, du besoin de l’autre. C’est ce qui frappe à première vue. Après, c’est l’introspection. Ceci est plus difficile. Mais l’être humain est poussé à la faire, et elle s’avère essentielle pour la suite du monde. Qui suis-je? Et qu’est-ce que je fais de ma vie? Quelles sont mes valeurs? Quelles valeurs est-ce que je propage dans mes paroles et mes gestes? Est-ce que mon cœur est syntonisé avec ceux-ci?
L’être humain le sait théoriquement; le plus important, c’est l’amour. Mais comment incarne-t-il cette théorie dans sa vie de tous les jours? Le confinement actuel lui permet d’observer comment il a agi. Changer n’est pas facile. Il faut d’abord être déstabilisé, ce qui nous place dans une position très inconfortable.
– Comment ouvrir son esprit? Comment saisir des concepts nouveaux qui puissent descendre dans le corps et habiter la vie qui propulse nos gestes?
+ L’être humain a besoin de craquer, profondément, et c’est par ces fissures que la nouvelle énergie peut circuler. L’obstacle principal est évidemment l’ego du fomme. Ce cher fomme, il a l’ego bien ancré dans son identité, comme s’il était uniquement ce qu’il croit qu’il est. Alors qu’il est beaucoup plus, infiniment plus. Son ego lui bloque l’accès à une grande partie de lui-même. Il doit reconnaître ses ornières, et cette reconnaissance lui permettra de décupler sa force. Le fomme souffre tant, il perpétue l’ignorance de ses ancêtres sans véritablement poser le pied au sol pour opérer un changement profond.
C’est bien la vie elle-même qui lui impose cette pause internationale, sous le
commandement d’un virus.
– De quoi le fomme souffre-t-il principalement?
+ Il souffre par son ignorance. Il a construit sa pensée en se limitant à puiser les matériaux de construction dans sa conscience. Alors qu’il existe une quantité phénoménale d’informations dans son inconscient. C’est bien par ces informations qu’il peut parvenir à d’abord mieux se connaître lui-même, puis à l’exprimer, et enfin à le partager. Le fomme s’impose des limites par son jugement précipité qui le réconforte et lui donne l’impression d’une stabilité dans son environnement. Tous ces jugements finissent par étouffer l’esprit qui, par ailleurs, est extrêmement sollicité à notre ère numérique. C’est en redonnant au corps une place centrale que le fomme pourra mieux intégrer les acquis essentiels. Lorsque le corps aura retrouvé son pouvoir central, les
informations affluant à l’esprit de toutes parts pourront davantage être triées; plusieurs de ces informations, qui n’apportent que souffrance au fomme, seront éliminées plus rapidement. Les autres seront classées selon leur priorité. Mais le fomme n’a pas encore compris la puissance cachée qu’il détient pour éclaircir son esprit et le préparer à recevoir de nouvelles informations qu’il n’a jamais imaginées.
Dialogue de fond, écriture automatique sous l'œuvre
COMBATTRE MES PENSÉES
– Parle-moi des effets du confinement que nous vivons en ce temps de pandémie.
+ Le fomme a le cœur lourd. Ses pensées négatives tournent en boucle dans sa tête comme une obsession. Il est déstabilisé intérieurement, il a un trou affectif dans sa poitrine, son esprit est sombre. Il ne voit pas clairement la suite des choses. Son avenir est vague, il apparait douloureux, étranger, comme l’avenir d’un autre. Il ne supporte pas le vide dans son ventre, qu’il veut remplir à tout prix. On parle du fomme privilégié.
Il se développe une impatience dans son corps entier, voire une agressivité. Le fomme s’ouvre à la solidarité, il voit les misères autour de lui, mais au bout de plusieurs semaines, son cœur se resserre. Il a moins d’espace intérieur. La paix s’épuise. Il veut sortir, il veut courir, il veut crier. Il manque tous les éléments qui contribuaient à son fragile équilibre intérieur.
– Que peut-il faire pour s’en sortir? Comment se renforcir intérieurement?
+ Il doit se parler à lui-même, il doit se secouer, il doit nager à l’inverse du courant principal qui le propulse vers tout ce qui est négatif pour lui. Il doit comprendre qu’il a un pouvoir. Il doit quitter le rôle de figurant dans le film de sa propre vie et endosser le rôle de réalisateur.
C’est l’occasion pour lui de découvrir le pouvoir qu’il a sur ses pensées. La source de tout ce qu’il ressent dans son corps se situe dans ses pensées. Elles ont un effet réel sur son corps. Il doit s’en rendre compte et manœuvrer sa vie à partir du poste de commandement. On ne parle pas ici de pathologies mentales. Il existe bien sûr des maladies mentales qui requièrent des soins médicaux spécifiques. On parle du fomme en général.
– Et le seul fait de contrôler ses pensées peut le sortir de son oppression?
+ C’est la constance dans cette discipline qui est éprouvante à maintenir. L’intensité et la récurrence des pensées négatives augmentent la difficulté de l’épreuve. Quand la fatigue au combat surgit, le fomme se laisse couler.
(texte au centre de la peinture, caché)
Le fomme peut puiser en lui une volonté de ramener ce qu’il est, ce qu’il pense et comment il agit, vers la lumière. Oui, il se retrouve à contre-courant, blessé et affaibli. Et l’effet de groupe décuple son oppression. Mais il est capable de dire à voix haute l’inverse de ce qu’il pense. C’est tout simple. C’est un premier pas vers la sortie.
On ne parle pas ici d’hypocrisie. Si le fomme dit souvent l’inverse de ce qu’il pense aux autres fommes, c’est bien de l’hypocrisie. Il cache ses intentions dans un but précis. On parle plutôt ici des pensées tout à fait personnelles qui surgissent dans la solitude et qui ne concernent que le fomme lui-même. C’est bien là qu’il peut surprendre un fil continu de pensées négatives qui minent son humeur et sa vie entière.
La lumière est toujours là, présente. Plusieurs fommes n’ont pas été outillés dès le départ pour l’identifier, la courtiser, l’apprivoiser, l’inviter dans leurs vies. Les nombreuses épreuves les ont aveuglés. Mais elle est là, tout près d’eux.
(texte dans le rectangle en bas avec le fomme couché)
– Je suis seule. J’ai peur. Le silence autour de moi est immense. Ma voix caverneuse me domine. Tout m’agresse. Je ne sais plus où je suis. Je suis perdue. Ma voix noire me parle. Elle n’aime personne. Elle cherche la guerre. J’ai peur. C’est la guerre. Je respire. Il faut respirer. Mon corps s’enfle, il est lourd. C’est le silence autour de moi. Je dois aller leur parler. Leur dire qu’ils ne comprennent rien. Qu’ils me heurtent, qu’ils me frappent, qu’ils me jettent à terre. Ils ne le savent pas. Je dois leur dire.
Le silence s’épaissit autour de moi. Je suis un robot. Je vais suivre les ordres. Mais comment me lever? Je suis réfugiée dans mon bunker. Mon corps est fermé. La voix résonne, elle exige. J’ai peur.
+ Arrête! Secoue-toi! Tu te racontes une histoire. Tu y crois. Extirpe-toi de ce
scénario. Sors de toi-même. Parle-toi. Dis : c’est assez! Et convaincs-toi du meilleur. Tu peux.
POÈME sous l’œuvre intitulée
J’AI MAL
Tu es jeune
Tu te sens belle
Ta maison n’est pas encore construite
Ton sexe recevra l’autre
Tu espères tout
La vie entière est à toi
Et cette apparente confiance
Te rend très séduisante
Tu fonces dans l’aventure
Et l’autre te déchire
Je suis déchirée
Je suis agressée
Je marche autour de moi
Une maison défoncée
J’ai peur de l’autre
J’essaie mais j’ai mal
Je ne suis pas là
Je marche sans moi
Bâtir sur des années
La maison qui soit moi
Tentatives et échecs
Douleur et courage
Quand enfin j’ouvre la porte
Ma maison est jouissive
Connectée et vibrante
Je suis moi en moi.