Série Notre Lente Évolution (suite)

2021

Notre civilisation est happée par un ensemble de bouleversements. Autant dans notre environnement qu’à l’intérieur de nous, il nous faut réagir. Il nous faut comprendre les enjeux et évoluer rapidement. Cette adaptation est la clé de notre survie.

Dans mes œuvres, je peins et j’écris sur nos transformations urgentes et nécessaires. Chacune de ces acryliques sur Mylar est précédée d’une écriture spontanée écrite sur le support. Je joins ici-bas quelques-uns de ces Dialogues de Fond. 

Dialogue de fond, écriture automatique
INTRODUCTION

Ces textes nécessaires à mon processus de création depuis 12 ans sont issus d’une écriture automatique. Spontanés, je les rédige sans aucun délai de réflexion pour favoriser le plus possible la connexion avec mon inconscient.

Vous lirez le mot fomme dans tous mes textes. J’ai inventé ce mot, contraction des mots femme et homme. Il remplace le mot homme pour désigner un individu de l’espèce humaine.

Étant une femme, je n’aurais pas pu rédiger le mot homme sans me sentir exclue. D’autre part, utiliser le mot personne m’aurait donné l’impression que je ne parlerais de personne. Il y manquait de chair. Et les mots être humain ne ciblent pas suffisamment la particularité d’un individu. J’utilise ce mot dans tous mes Dialogues de fond depuis 2010.

Dialogue de fond, écriture automatique sous l'œuvre
NOUS

– Parle-moi des femmes qui, à travers les siècles, ont tant subi de violences et d’humiliations. 

+ Les femmes mènent un combat extrêmement ardu et persistant. Elles vivent des polarités : d’un côté, elles ressentent vivement leurs émotions et leurs perceptions dans leurs corps, ce qui les rend sensibles aux vibrations ambiantes. Puisque leurs corps leur apportent davantage d’informations à travers leurs cycles de reproduction, elles n’ont pas le choix d’être à leurs écoutes. Ceci les amène dans des voyages variés au fond d’elles-mêmes : douceur planante, lourdeurs physiques, conscience du temps qui progresse, refuge.

D’un autre côté, elles ont reçu à travers les époques un lot énorme d’insultes et de rabaissements, de violences sexuelles journalières et de violences physiques tout court. Ces attaques surgies de l’extérieur ont souvent eu l’effet de renvoyer la femme en elle-même, dans sa misère et ses secrets.

Vivre des secrets si lourds de conséquences et une misère si profonde baignée dans la solitude absolue a plongé la femme dans une longue noirceur. Plusieurs d’entre elles, encore et encore, subissent ces méfaits sans possibilité de s’en sortir. Et pourtant.

– Comment être conscientes, nous les femmes, de tous ces torts subis sans avoir une relation teintée de frustration envers les hommes?

+ Les hommes peuvent être nos alliés. Ils ont énormément à nous donner et peuvent aider à développer nos forces, bien que nous puissions le faire sans eux. Mais ils peuvent accélérer notre cheminement, comme le bon outil approprié aide à réaliser un projet.

Mais cet homme doit avoir cheminé et saisi comme il doit participer à l’évolution de la mentalité masculine macho. S’il est né dans un pays qui déjà a un grand avancement pour les droits et la protection des femmes, tant mieux. Il pourra ramener ses remises en question sur le plan individuel. Il pourra se demander comment lui-même contribue à ce combat pour l’égalité des femmes, comment agit-il et parle-t-il aux femmes autour de lui.

S’il est né dans un pays où chaque homme autour de lui continue à rabaisser ouvertement la femme, son implication sera plus ardue. Comment s’informer? Comment poser des actions concrètes dans sa communauté? Ardu, mais possible.

Chaque homme est différent. Un seul homme n’est pas responsable de l’entité de l’évolution ou de la barbarie de l’humanité. La femme doit rester à l’aguet, c’est certain, mais elle doit doser ses interventions selon l’être humain qui est devant elle. Je crois que ce combat des femmes est définitivement un travail assidu qui incombe autant aux hommes qu’aux femmes.

Maintenant, quels hommes comprennent vraiment l’importance de l’égalité des sexes? Quels hommes saisissent à quel point une société dirigée autant par les femmes que par les hommes serait une société différente, enrichie de nouveaux angles de vue?

Quels hommes ont suffisamment conscience de ces changements impératifs au point de s’impliquer dans ce combat?

Oui, quand on devient conscient d’un problème important, qu’on en constate les effets dévastateurs chaque jour autour de nous, on peut sombrer dans une frustration. C’est pourquoi aiguiser sa conscience devrait aussi porter vers des éléments positifs qui réjouissent le fomme. Plus reconnaître la laideur, mais plus reconnaître la beauté.

– Les femmes ont aussi développé leur solidarité. Elles se sont organisées et agissent concrètement dans divers secteurs.

+ La femme est un trésor de richesses. Tous ces combats, et ils sont quotidiens, lui permettent de renforcir sa confiance en elle. Elle doit se motiver à dépasser ses obstacles, à transformer sa colère en un besoin de faire comprendre à son entourage l’importance de sa place, de son apport d’idées, d’actions, de changements. Elle est belle, elle ne peut plus attendre que l’homme le lui dise. Elle doit se le dire elle-même : je suis belle.

Dialogue de fond, écriture automatique sous l'œuvre
UNE VIE INTÉRIEURE

– Parlons de ce grand tournant dans l’humanité qui oblige le fomme à développer en profondeur sa relation avec lui-même. 

+ Oui, la pandémie a cet effet brutal et intense de tourner le regard du fomme sur lui-même. Il est confiné, il est souvent seul, il n’a pas le choix de vivre avec moins de distractions et d’artifices. Tout est immobilisé autour de lui. Il réalise comme parfois il s’est éloigné de son humanité par des pratiques destructrices ou simplement superficielles. Qui est-il? Quelles sont les réelles valeurs que sous-tendent ses paroles et actions? Un fomme peut traverser sa vie sans jamais se poser ces questions. Et pourtant, quand il prend la peine de s’arrêter, de s’observer, de reconnaître ses valeurs, sa vie ne pourra qu’aller mieux. S’il se rend compte qu’il désapprouve certaines valeurs qu’il véhicule, il pourra changer ses comportements, ses façons de faire pour se rediriger vers les valeurs qu’il veut prôner. Devenu conscient de ce qu’il est, il se fera une alliée de cette conscience. Il lui fera appel plus souvent, et la reconnaissance d’un geste ou d’une parole qui traduira une de ses valeurs précieuses le comblera d’un profond bonheur.

– Oui, ne faire qu’un avec ses valeurs est un cheminement essentiel. Que découvrira-t-il d’autre en lui?

+ La beauté et la richesse de sa vie. La beauté d’un visage d’enfant heureux, la beauté d’un groupe qui s’amuse, tous ces rires, ces accolades, cette solidarité, la beauté d’un aîné qui a le cœur à fleur de peau et qui exprime sa joie d’avoir de la visite. Je pourrais continuer ainsi longtemps, mais c’est pour dire à quel point le fomme ne pourra plus prendre les choses pour acquis comme il le faisait avant la pandémie. Il y aura toujours le souvenir de cette période aride, avec les enfants éteints, les groupes dispersés, et les aînés plongés dans leur isolement forcé. Il se rend compte à quel point aujourd’hui la richesse réelle et immuable était là, tout autour de lui, sans qu’il ne la voie, ne la nomme, ne partage cette vision. Le fomme est riche et son idée du bonheur a été ébranlée par la pandémie.

– Que valent des sommes d’argent élevées si, aussitôt que les commerces ferment, le fomme ressent une profonde insécurité?

+ La sécurité intérieure est indépendante des lieux et des objets autour du fomme. Cet environnement extérieur donne l’illusion d’une sécurité. Mais sans la force intérieure du fomme, cette sécurité est facilement ébranlée.

Un problème fondamental de notre société est l’ensemble de ces fommes sans aucune vie intérieure qui s’agrippe fort à des valeurs malhonnêtes d’exploitation d’autrui. S’ils sont en situation de pouvoir, les dommages sont grands. Mentalement aussi, ils influencent les valeurs de tous, et ceux qui prônent à l’inverse un humanisme généreux doivent fonctionner à contre-courant, ils doivent se battre et essayer de se faire entendre.

Il faut espérer que la pandémie aura déraciné les valeurs destructrices de fommes de pouvoir. Quand cet espoir se transforme en action qui a un effet réel sur le fonctionnement de nos sociétés, alors on peut rêver à nouveau pour entraîner les changements vers de plus hauts sommets.